Entre référence et révérence

Depuis 2015, bornant le mois d’octobre de rencontres singulières, quatre concerts dédiés à l’orgue du Temple Saint-Éloi galvanisent autant de rendez-vous avec la quiétude et la méditation… mais aussi autant de voyages à la découverte de nouveaux talents et de nouvelles œuvres. En cet automne 2023, alors que la mémoire du grand Œuvre du père Bach sera présente dans chacune des prestations, une palette d’opus prodigieux s’étalera de la musique baroque (Muffat, Marchand, Buxtehude, Rameau…) aux expressions plus récentes (Messiaen, Essl, Klomp, Muñoz…). 

Le samedi 7 octobre, Gilles Harlé fera entendre tout ce que la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle comportent de joyaux en matière stylistique. Toccata, fantaisie, choral, allemande, prélude et fugue… seront à l’honneur. On notera la programmation de la Suite du 3^e ton de Jacques Boyvin, organiste émérite décédé à Rouen. Au cœur de la ville aux cents clochers, dès 1674 et durant plus d’une trentaine d’années, ce musicien a été titulaire de l’orgue de la Cathédrale Notre Dame et claviériste à la tribune de l’église Saint-Herbland. 

Pascale von Coppenolle que nous entendrons le samedi 14 octobre a placé son programme sous le domino des « allusions ». Ainsi, après avoir écouté la Fantaisie en Ré de Louis Couperin (l’oncle de François), nous découvrirons un extrait des Dialogues écrits « en hommage à L. Couperin » de l’Allemand Jürgen Essl (organiste, professeur à la Musikhochschule de Stuttgart). Avec le même esprit, 28. Juli 1750 (Gedenkblatt zum Todestag von J. S. Bach) de Carl Piutti fait ostensiblement référence à la mort du Cantor de Leipzig (« 28 juillet 1750, page commémorative de l’anniversaire de la mort de J. S. Bach »).

Le concert du samedi 21 octobre de Frédéric Muñoz est plutôt focalisé sur le concept pluri-stylistique des « adaptations » et des « hommages ». En effet, ce musicien a arrangé une Suite sur des Airs d’Opéras provenant de la plume de Jean-Philippe Rameau. De même, il a réduit pour son instrument à tuyaux la lente et extatique « Louange à l’Éternité de Jésus » (à l’origine pour ondes Martenot). In fine, cette pièce d’Olivier Messiaen a été incluse dans une version pour violoncelle et piano au sein du Quatuor pour la fin du temps. Le récital se terminera par une pièce de Muñoz lui-même : Le Conquérant valeureux (Hommage à Tariq Ibn Ziyad) – une référence à la figure d’un homme politique d’origine berbère (VIIe siècle).

Au début du XVIIIe siècle, les échanges de part et d’autre du Rhin étaient salutaires. Renvoyant à ce contexte convivial, Liesbeth Schlumberger interprétera, le samedi 28 octobre, des pièces en miroir de Jean-Sébastien Bach et de François Couperin (tous deux pédagogues et claviéristes avisés). On sait que ces musiciens ont eu une correspondance sporadique et que l’Allemand estimait grandement les œuvres du Français. À cet égard, n’a-t-on pas retrouvé un extrait du 6^e Ordre de Couperin (« Les Bergères ») au cœur du Petit livre d’Anna Magdalena Bach ?

Pierre Albert Castanet